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Une loi qui accroît les difficultés des urgences hospitalières

mercredi 26 avril 2023, par Patrick Cotrel -

La loi Rist votée en 2021 vient d’être mise en application depuis le 3 avril 2023.
Son principe est de limiter la rémunération des médecins intérimaires (souvent urgentistes ou anesthésistes) dans les hôpitaux publics à 1350€ pour un service de 24 heures.
Précision : cette somme est ‘brute’ et comprend les cotisations sociales (employeur et salarié), les congés et les frais de déplacement pour rejoindre le poste (souvent éloigné), pour un service de 24 heures d’affilée.
Le but affiché de la loi est de préserver les finances des hôpitaux publics et de mettre un terme à l’inflation de ces tarifs.

Quelle crise, quelles causes ?
Avant d’entrer sur les détails de cette loi, il est indispensable de réfléchir à la situation actuelle dans les hôpitaux qui rend cette inflation possible.
Car le problème le plus important, ce n’est pas la rémunération de certains médecins, mais la dégradation importante et continuelle du Service public de santé, avec, par exemple, des fermetures de certains services des Urgences qui sont débordés et sous-dotés en personnel.
Il n’y a pas à chercher longtemps pour constater une aggravation des conditions de travail, des salaires beaucoup trop bas (si on les compare avec les autres pays européens) et le manque de médecins (entre autres). Il suffit d’écouter les représentants du Syndicat national des médecins remplaçants des hôpitaux (SNMRH) pour comprendre ce qui les pousse à faire de l’intérim : L’intérim est une façon de reprendre le contrôle de son planning et de sa vie." S’il impose parfois des déplacements importants et des horaires élargis, il permet aussi de s’affranchir de nombreux maux de l’hôpital : cadre rigide, horaires à rallonge, travail la nuit et les week-ends… (voir témoignages sur le site de FranceInfo).
Limiter les salaires des intérimaires, c’est réglementer les conséquences et fermer les yeux sur les causes de la crise
Plusieurs syndicats réclament des mesures qui donneraient envie aux intérimaires de retrouver un poste de titulaire. Le SNPHAR-E demande "la reprise des négociations sur la gouvernance, le temps de travail, l’équilibre entre vie personnelle et vie privée", et une revalorisation des gardes de nuit. Cela ne suffirait pas forcément, mais permettait peut-être d’enrayer "la fuite des jeunes, et même de gens qui ont 40 ou 50 ans", vers l’intérim.

Des résultats ...prévisibles :
Dans ces conditions, passer une loi qui se borne à limiter les rémunérations des médecins intérimaires, sans toucher aux causes de la situation, c’est risquer une aggravation de la crise, se traduisant par plus de fermeture de services d’urgence et une dégradation plus importante du service public de la santé.
D’ailleurs, Mme Rist, députée autrice de la loi de 2021, est intervenue auprès du Ministre de la santé, François Braun, pour qu’il reporte l’application de la loi… sans succès.

Les résultats ne se sont pas fait attendre. On peut déjà les mesurer en Vendée à la lecture de Ouest-France du 22 avril :
- Les urgences des Sables d’Olonne ferment entre dimanche 23/04 12h00 et lundi 8h30. Un N° de tél est indiqué aux usagers (le 116 117).
- A Fontenay-le-comte, les urgences sont fermées entre vendredi 21/04 à 8h30 et lundi à 8h30. Cause affichée de la fermeture : « application de la loi Rist et manque de personnel. »

Des raisonnements à courte vue :

Dans le même environnement professionnel, on retrouve le même style de raisonnement qui consiste à colmater les brèches au moindre frais, ou plus exactement aux frais exclusifs qui sont au bas de l’échelle.
Ainsi, on apprend que les agents du CHU chargés de stériliser tous les instruments des hôpitaux publics de l’agglomération nantaise se sont mis en grève pour protester contre la pression du rythme de travail et pour augmenter leur salaire. Réponse de la direction des hôpitaux publics : une augmentation des salaires de 12 par mois et 2 embauches dans le service (d’une quarantaine de personnes !)...

Autre exemple, plus connu : les retraites. Les syndicat sont tous d’accord pour dire que pour augmenter la collecte des cotisations retraite à la hauteur des retraites à financer, il faut d’abord régler le sous emploi des personnes de plus de 55 ans, qui sont souvent usés par les conditions de travail et dont les entreprises veulent se débarrasser. Si le taux d’emploi des seniors était dans la moyenne des autres tranches d’âge, ils cotiseraient et la collecte globale serait à la hauteur des charges.
Mais le gouvernement et le Président ne veulent rien entendre. Pour eux, le seule solution est que les gens travaillent plus longtemps. Et pour les autres questions, on verra après...

Mais, finalement, c’est une recette aussi vieille que le capitalisme : pour augmenter les profits, il faut augmenter les cadences de travail. Et quand on ne peut plus y arriver, il faut augmenter la durée du travail. Merci, Mr Macron !

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