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Grèce : quelques points de repère

mardi 21 juillet 2015, par Patrick Cotrel

Avouons-le, l’annonce de l’accord avec la Grèce a été un soulagement. Peut-être autant pour la Grèce elle-même que pour la survie d’un rêve européen déjà mis à mal par l’incapacité de mettre en œuvre une politique commune généreuse et équitable d’accueil des réfugiés et par la menace anglaise de sortie de l’Europe.

Mais dans un second temps, un examen plus précis des termes de l’accord provoque de nombreuses interrogations sur ses chances de succès.
Examinons les principaux termes de cet accord.
- Les objectifs budgétaires :
Le gouvernement grec s’est engagé à réaliser 13 milliards € d’économies sur 3 ans à coups de hausses d’impôts et de coupes budgétaires. Nul doute que faire en sorte que les armateurs et l’église (grand propriétaire foncier) paient des impôts serait un facteur de justice fiscale. Mais le danger réside dans l’effet récessif de ces mesures et les experts estiment la baisse du PIB induite à 4%. Du coup, le ratio dette/PIB risque encore de plonger : le FMI le pronostique à 200% d’ici 2 ans, alors qu’il n’était ‘’que’’ de 127% avant la crise.
"Dans un pays où l’un des principaux problèmes est actuellement l’économie grise et le paiement de l’impôt, le plan adopté prévoit notamment d’accroître de 13 % à 23 % la TVA sur la restauration (elle est de 10 % en France) : combien faudrait-il embaucher de policiers pour qu’une telle mesure ait la moindre chance d’entrer effectivement en vigueur ? Surréaliste…", juge Guillaume Duval, rédacteur en chef du mensuel Alternatives économiques.
- Les privatisations :
A la demande de Berlin, un fonds de 50 milliards € sera financé par les privatisations. Comble de défiance, ce fonds devait être basé … au Luxembourg. Il sera finalement à Athènes, mais sera cependant sous le contrôle des prêteurs européens. Normalement, ce fonds doit être utilisé pour moitié à rembourser la dette et pour moitié à financer des investissements dans l’économie grecque. Mais le grand danger, c’est que les privatisations rapportent beaucoup moins que les 50 milliards € prévus ; et que, du coup, il n’y ait que très peu d’investissements, le fonds servant surtout à rembourser une dette impossible à honorer.
- La restructuration de la dette :
C’est bien là qu’est une des principales clés de la crise grecque. Et le FMI (timidement appuyé par la France) soutient que cette dette est impossible à rembourser intégralement, même si elle est étalée. Imposer des remboursements impossibles à réaliser et imposer des mesures récessives ne peut aboutir qu’à maintenir la tête de la Grèce sous l’eau. Ce volet n’est pas encore négocié.
- Un plan de relance à 35 milliards d’euros :
Dans le cadre du plan Juncker de relance de l’investissement en Europe, la part de la Grèce pourrait se monter à 35 milliards €. Pour les autres pays, une somme équivalente doit être financée par la banque nationale. Mais pour la Grèce, cette condition pourrait être allégée ou même supprimée. Selon Xavier Timbaud (de l’OFCE), c’est le seul espoir de ce plan imposé à la Grèce ; mais il n’est toujours pas négocié.
- Une profonde défiance :
Bien sûr les anciens gouvernements ont magouillé les chiffres pour être admis dans la zone Euro, bien sûr, la société grecque fonctionne avec de la corruption et des passe-droits, bien sûr, il y a une grande faiblesse de l’Etat. Mais tout ceci n’a pu se faire qu’avec la complicité des instances financière, les yeux fermés des pays prêteurs, les bénéfices des marchands d’armes (comme la France) et des grandes banques (en particulier françaises).
Exemple de cette défiance : l’accord comporte la mention suivante "Le gouvernement devra consulter et s’entendre avec les institutions, pour n’importe quel brouillon de loi en préparation, dans les secteurs concernés, avec un laps de temps suffisant avant de le soumettre à la consultation publique ou au parlement."
La défiance systématique et cette humiliation politique dont le gouvernement grec est victime risque d’être contre-productif.
Pour lire l’analyse de Médiapart, cliquer ici
Conclusion provisoire :
On le voit, on peut avoir beaucoup d’interrogations sur la volonté des pays créanciers (en particulier l’Allemagne) de renégocier la dette et d’ouvrir des crédits d’investissement pour permettre à la Grèce de sortir de la crise, Alexis Tsipras l’a lui-même exprimé. Du même coup, nous devons rester vigilants sur l’attitude de l’Europe et faire pression sur le gouvernement français.
En même temps, nous devons rester confiants sur la volonté politique du gouvernement grec et l’unité de Syriza : la nouvelle majorité n’est pas au bord de l’éclatement. Ainsi, Yanis Varoufakis explique son vote au Parlement grec avec un grand respect pour ses camarades de Syriza qui ne sont pas d’accord avec lui. (Pour lire son texte, cliquer ici)
Il écrit, par exemple : "Personne parmi nous n’est plus « anti-mémorandum » qu’un autre, et personne parmi nous n’est plus « responsable » qu’un autre. Tout simplement, lorsque l’on se trouve à un carrefour aussi dangereux, sous la pression de la (mal)Sainte Alliance du Clientélisme International, il est parfaitement légitime que certains camarades proposent l’une ou l’autre voie. Dans ces conditions, il serait criminel que les uns traitent les autres de « soumis » et que les seconds traitent les premiers d’ "irresponsables".
En ce moment, en plein milieu de désaccords raisonnables, ce qui prévaut, c’est l’unité de Syriza et de tous ceux qui ont cru en nous, en nous accordant ce grandiose 61,5%. La seule façon de garantir cette unité est de reconnaître mutuellement les arguments, en partant du principe que les dissidents réfléchissent de manière aussi bonne, aussi responsable et aussi révolutionnaire que nous.
"
Et encore : "Mon jugement m’a amené à voter contre la ratification de l’accord de capitulation, en estimant que la doctrine Papaconstantinou demeure inacceptable. D’un autre côté, je respecte parfaitement les camarades qui ont un autre point de vue. Je ne suis pas plus révolutionnaire-moral qu’eux mais ils ne sont pas plus responsables que moi, non plus. Aujourd’hui, ce qui est en balance, c’est notre capacité à préserver comme la prunelle de nos yeux, la camaraderie et la collectivité, en conservant le droit à l’opinion différente.
Pour conclure, il existe également un aspect philosophique au dilemme de conscience qui se pose à nous tous : existe-t-il des moments où le calcul du bénéfice net est dépassé par l’idée selon laquelle certaines choses ne doivent tout simplement pas être faites en notre nom ? Ce moment, est-il un de ces moments ?
Il n’existe pas de bonnes réponses. Seule existe la disposition honnête à respecter les réponses que donnent nos camarades avec lesquels nous ne sommes pas d’accord.
"

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