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Crise sanitaire et chômage

jeudi 30 avril 2020, par Patrick Cotrel - - -

Les chiffres du chômage de fin mars de Pôle Emploi viennent d’être publiés.
Et aussitôt, les milieux patronaux et les tenants du libéralisme reprennent en coeur le chiffre massue : fin mars (après 2 semaines de confinement), le chômage a augmenté de 256 000 personnes !
Lorsque l’activité économique s’arrête en partie, il y a une poussée du chômage, ce n’est pas une surprise. Mais le plus grave n’est peut-être pas où on croit.
Regardons les chiffres de plus près.

Les chiffres dans les différentes catégories :

La catégorie A correspond à ceux qui sont à la recherche d’emploi et qui n’ont effectué aucun travail au cours du mois. Leur nombre fin mars est de 3,489 millions, soit une augmentation de 254 800 par rapport à fin février (et de 106 000 par rapport à mars 2019).
Les catégories B et C correspondent à ceux qui sont à la recherche d’emploi et qui ont effectué quelques heures ou quelques jours de travail au cour du mois (un ‘petit boulot’). Leur nombre fin mars est de 2,073 millions, soit une diminution de 76 000 par rapport à fin février (et de 155 000 par rapport à fin mars 2019).
Cela se comprend : ceux qui auraient pu avoir un petit boulot exceptionnel (CDD court ou intérim) ne l’ont pas eu et se sont retrouvés automatiquement basculés en catégorie A.
En réalité, selon la conjoncture, il y a de constants mouvements de passage de A vers B-C et inversement. C’est la raison pour laquelle un indicateur pertinent du chômage est certainement plus le niveau de chômeurs A, B et C, que la seule catégorie A.
Et, de fait, le nombre de chômeurs de cat. A, B et C est de 5,561millions fin mars, soit une augmentation de 179 000 par rapport à février : 255 000 – 76 000 = 179 000. CQFD. (Et une baisse de 49 000 par rapport à mars 2019).
Regardons maintenant à quoi correspond ce chiffre de 179 000.

Les entrées et sorties du chômage :

Il faut comprendre que ces mouvements d’entrées et sorties du chômage sont bien plus important qu’on ne se l’imagine, avec une vision statique du phénomène du chômage . Ainsi, par exemple, au mois de février 2020, il y a eu 557 000 entrées et 571 000 sorties, avec une variation finale de 16 000 chômeurs en moins.
Or, dans le mois de mars, il y a eu 35 100 inscriptions de plus qu’en février et 160 700 sorties de plus qu’en février. Autrement dit, si le nombre de chômeurs (A, B et C) a augmenté en mars, c’est parce qu’il y a eu un peu plus d’inscriptions qu’en février, mais surtout beaucoup moins de sorties du chômage qu’en février.
Examinons donc les motifs d’entrées et de sorties au cours de mars 2020.
Pour les entrées au chômage : les variations les plus importantes en mars par rapport à février concernent les fins de CDD (+26 000) et les fins de missions d’intérim (+45 000), mais très peu pour cause de démissions, ruptures conventionnelles, et licenciements (+4 000). Pas de surprise.
Pour les sorties du chômage : les variations les plus importantes en mars par rapport à février concernent les reprises d’emploi (-40 200), les entrées en stage (-25 600), mais surtout les défauts d’actualisation (-67 200) et les radiations (-22 000).

Récapitulatif : le supplément d’entrées au chômage est directement imputable à la situation économique, de même que les défaut de sorties pour reprise d’emploi (total +/-150 000 mouvements). Mais les questions relatives à la gestion administrative (actualisation, radiations) et au confinement (formation) n’y sont pas liées (total +/-115 000 mouvements). Autrement dit, sur les 179 000 chômeurs comptabilisés en plus en catégories A, B et C, seulement une grosse moitié est imputable à la crise économique induite par la crise sanitaire. C’est déjà énorme, mais très éloigné des cris d’alarme du MEDEF, qui réclame implicitement une reprise rapide du travail (et donc de l’école) et explicitement la fin des contraintes environnementales…

Du côté des offres d’emploi recueillies par Pôle Emploi, on observe une diminution de 119 000 offres.

Qui sont les plus menacés par la crise économique induite ?

C’est grâce à la décision gouvernementale de déclencher le système du chômage partiel indemnisé par l’État, qui maintient les contrats de travail et la rémunération des salariés, que les suppressions d’emplois ont été sans commune mesure par rapport à ce qui est constaté aux USA, par exemple.
Mais en même temps, les statistiques des catégories B et C, ainsi que la part des fins de CDD et d’intérim dans les entrées au chômage, montrent que ce sont ceux qui ont des contrats précaires qui sont touchés en premier.
Et il est fort probable que les non-salariés précaires (travailleurs ‘ubérisés’, intermittents du spectacle, autoentrepreneurs, indépendants, …) soient déjà dans une situation très alarmante. Et le risque est très fort que la crise économique (induite) accroisse encore plus les inégalités de statu et de revenus dans notre pays.

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